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LES INTERVENTIONS d'Alain VIDALIES

INTERVENTION D'ALAIN VIDALIES AU NOM DU GROUPE SOCIALISTE
A L'ASSEMBLEE NATIONALE - LE 20 JANVIER 2005
PROPOSITION DE LOI SUR LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes Chers Collègues,

Pour rester dans une terminologie propre au droit de la consommation, il est à craindre que la proposition de loi que nous examinons constitue une tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise.

Le titre de ce texte : " Proposition de loi tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur " est bien ambitieux au regard des dispositions qu'il contient réellement.

Il est vrai que déjà le rapport de Monsieur CHATEL s'intitulait : " De la conso méfiance à la conso confiance " !

Il ne reste d'ailleurs pas grand-chose des propositions parfois intéressantes formulées dans ce rapport.

Le texte se résume aujourd'hui à trois propositions :
- L'obligation du co-contractant professionnel de signaler l'échéance des contrats à durée déterminée soumis à tacite reconduction
- Une amélioration de l'information sur les crédits renouvelables et sur les modalités de leur reconduction
- La libération de la publicité sur le crédit gratuit.

En première lecture, le Groupe Socialiste avait tenté d'élargir l'objectif du texte en proposant de véritables mesures de protection des consommateurs. La plupart de nos amendements avaient été rejetés sauf deux dispositions qui concernaient l'obligation de mentionner le taux de l'usure dans les contrats de prêt et, pour les couples mariés, l'inopposabilité de la créance lorsque l'engagement n'était pas signé par les deux époux.

J'observe que ces deux dispositions ont été supprimées par le Sénat et que la majorité s'est opposée à leur adoption lors du débat en commission avant la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

Si l'obligation d'information sur l'échéance des contrats susceptibles d'une tacite reconduction et sur les crédits renouvelables constitue une amélioration du droit positif, cette avancée est largement contrariée par le choix d'élargir le champ de la publicité pour le crédit gratuit.

Que vient faire cette disposition dans un texte qui vise la protection du consommateur !

Personne évidemment ne croit que le crédit gratuit existe réellement. Nous ne sommes pas dans un monde de philanthropes ! Le crédit gratuit, c'est un concept commercial dans lequel le vendeur porte son effort sur le paiement échelonné plutôt que sur le prix.

C'est bien parce que la notion même de crédit gratuit est contestable que le législateur avait jusqu'à présent limité sa publicité aux lieux de vente.

Votre proposition est dangereuse parce qu'elle tend à opérer une distinction entre le crédit gratuit et les opérations proposant une franchise des échéances supérieures à trois mois qui resteraient soumises à une publicité restrictive sur les lieux de vente.

Si le législateur a traité ensemble les trois pratiques visées dans la rédaction actuelle de l'article L311-5, c'est bien parce qu'elles obéissent en réalité au même mécanisme.

Or, aujourd'hui, en sortant le crédit gratuit de cette publicité limitée, vous lui donnez un label qui va évidemment encourager sa pratique.

J'imagine déjà les campagnes de publicité et le harcèlement racoleur. Il suffit d'introduire la notion de crédit gratuit dans quelques publicités relevées au hasard et cela donne :

" Laissez parler vos envies, avec le crédit gratuit la vie est plus facile "
ou encore " Soyons clairs, un problème d'argent ça peut arriver à tout le monde. Avec le crédit gratuit plus de soucis ! "

Ces publicités reçues par des personnes confrontées à de graves difficultés financières qui ne savent pas comment terminer le mois ou la semaine sont un véritable " pousse-au-crime ".

En première lecture, nous avions proposé l'interdiction de la publicité pour les crédits renouvelables. Or, aujourd'hui, non seulement cette proposition ne figure pas dans le texte mais, au surplus, vous étendez les possibilités de publicité pour les crédits gratuits.

Comment dans un texte sur la protection des consommateurs pouvez-vous renforcer les risques du surendettement des ménages ?

C'est pourtant un vrai problème de société dès lors que, chaque année, 160 000 nouveaux ménages sont confrontés à ce drame.

Vous le savez, le crédit peut un court moment donner l'illusion d'une solution à des différends financiers mais lorsque la situation est trop obérée il mène inexorablement au surendettement. Notre objectif doit être celui d'une responsabilité partagée des établissements de crédit et des emprunteurs.

A ce titre, les emprunteurs doivent être mieux informés sur les conditions de crédits et surtout mieux protégés des harcèlements publicitaires.

Vos deux premières propositions auraient pu constituer une timide avancée mais l'extension de la publicité pour le crédit gratuit donne un éclairage singulier à votre démarche.

A l'évidence, compte tenu de l'échec de la politique économique du Gouvernement Raffarin, vous êtes tentés d'utiliser la généralisation du crédit comme un moyen de relancer la consommation.

Pauvre politique qui s'inscrit dans l'agitation estivale sur la baisse des prix dans la grande distribution !

On ne relance pas la consommation par des artifices juridiques mais par une politique économique qui permet de créer des emplois et de garantir le pouvoir d'achat.

En ce début d'année, les associations de consommateurs ont pris connaissance avec surprise des projets exposés par le Président de la République qui souhaite : " permettre à des groupes de consommateurs et à leurs associations d'intenter des actions collectives contre les pratiques abusives observées sur certains marchés ".

Je pensais que cette démarche fort intéressante aurait pu se concrétiser, au moins dans son principe, dès l'examen de la présente proposition de loi. Mais puisque nous sommes encore au temps des vœux, j'espère que celui formé par le Président de la République ne restera pas lettre morte comme bien d'autres !

En définitive, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui comporte deux avancées intéressantes sur le droit à l'information du consommateur et une proposition dangereuse sur l'extension de la publicité pour le crédit gratuit.

Le plus surprenant dans un texte sur le droit de la consommation, c'est que la question principale n'est pas traitée.

Nous ne pouvons continuer à laisser des centaines de milliers de familles tomber dans le surendettement sans organiser les conditions de la responsabilité des prêteurs.

Faute d'ambition, votre texte ne tente même pas de répondre à cette question. Nous aurions pu pourtant débattre de la création d'un fichier positif ou de l'obligation de consulter le registre des incidents de paiement sous peine de déchéance des droits.

Si je compare la proposition initiale de votre rapport avec le contenu de nos travaux en deuxième lecture, il me semble, Monsieur le Rapporteur, que nous pouvons au moins partager le sentiment d'un travail inachevé.

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