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LES INTERVENTIONS d'Alain VIDALIES
Intervention d'Alain Vidalies à Assemblée nationale le 2 février 2005 Proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,

Au moment où notre pays compte trois millions de demandeurs d’emploi et de plus en plus de salariés à temps partiel subi, le gouvernement et l’UMP ne trouvent rien de mieux à faire que d’augmenter le volume des heures supplémentaires et d’en réduire le coût pour les entreprises.

Seule une vision dogmatique peut expliquer une initiative aussi désastreuse.

Les demandeurs d’emploi comprendront vite que votre majorité les abandonne à leur triste sort et que le slogan « travailler plus pour gagner plus » relève de la publicité mensongère voire de la provocation pour ceux qui sont dans la difficulté.

Déjà à trois reprises, votre majorité a augmenté le contingent des heures supplémentaires pour le porter à 220 heures, alors que la moyenne utilisée par les entreprises n’est que de 59 heures !

Vous avez déjà élargi le nombre de salariés dont le temps de travail peut être comptabilisé en forfait jour, vous avez déjà réduit le droit au repos compensateur, vous avez déjà supprimé un jour férié et vous avez déjà augmenté le temps de travail effectif en modifiant sa définition.

Pour quel résultat ?

200 000 chômeurs de plus en seulement deux ans.

Vous poursuivez méthodiquement le démantèlement du code du travail en facilitant les licenciements et en remettant en cause la hiérarchie des normes qui protégeait les salariés d’une même branche professionnelle.

Votre bilan est déjà lourd mais le pire n’est jamais sûr puisqu’aujourd’hui vous transgressez les principes fondamentaux de notre droit du travail en permettant pour la première fois un accord direct entre le salarié et l’employeur pour déroger à l’application de la loi.

Comme si le salarié d’une petite entreprise à qui l’employeur demandera de renoncer à dix jours de repos aura la possibilité de refuser !

Vous introduisez ainsi pour la première fois une brèche dans notre droit du travail qui jusqu’à présent reposait sur la reconnaissance d’un lien de subordination, lequel justifiait la protection du salarié par la loi ou par les conventions collectives.

Quand dans le même temps vous nous parlez de simplifier demain le code du travail, vous comprendrez nos inquiétudes qu’il se résume de plus en plus à l’application des règles du code civil.

Il faut reconnaître qu’à l’appui de cette basse besogne vous avez le sens de la formule. Après « travailler plus pour gagner plus », voici le « temps choisi ».

Il faut quand même beaucoup d’imagination pour trouver dans l’augmentation des heures supplémentaires et dans la diminution de leur coût un cheminement harmonieux vers le temps choisi.

Votre conception du dialogue social est à géométrie variable. Vous ne cessez de critiquer la généralisation des 35 heures mais vous n’hésitez pas, sans aucune négociation préalable avec les organisations syndicales, à inscrire à l’ordre du jour prioritaire cette proposition de loi.

Il est vrai que depuis le temps que vous attribuez aux 35 heures la responsabilité de vos difficultés et de vos échecs, on se demande bien pourquoi vous ne les avez pas tout simplement supprimées ?

Vous le savez bien, la diminution maîtrisée du temps de travail est un passage obligé de toute véritable politique de lutte contre le chômage.

La France n’est pas un pays qui s’appauvrit mais un pays qui s’enrichit. Depuis 20 ans, à l’exception de l’année 1993, la croissance est au rendez-vous et pourtant, jusqu’à la mise en œuvre des 35 heures, le chômage de masse n’avait cessé d’augmenter.

Dès lors que grâce au progrès technique nous sommes capables de produire de plus en plus de richesses avec de moins en moins de travail, seule la diminution du temps de travail permet une meilleure répartition des gains de productivité.

Personne n’échappe à cette problématique et surtout pas certains pays qui affichent des taux de chômage exemplaires sans avoir réduit le temps de travail. Ces statistiques sont un leurre car la réalité est souvent gommée par l’explosion du travail à temps partiel. Il est facile d’annoncer 4 à 5% de taux de chômage quand 26% des salariés travaillent à temps partiel comme au Japon, 23,3% au Royaume-Uni ou même 30% aux Pays-Bas.

Si vous augmentez le nombre de salariés à temps partiel en France pour parvenir à ces taux, vous aurez aussi des statistiques flatteuses, mais en réalité vous aurez crée des millions de salariés pauvres car la facture du loyer, la facture d’électricité ou les assurances ne seront malheureusement pas des factures partielles.

C’est donc au fond une formidable hypocrisie que de s’interroger sur la diminution du temps de travail. Elle existe déjà mais toute la charge en est supportée d’abord par les chômeurs, mais aussi par les salariés à temps partiel subi que l’on appelle aujourd’hui, et c’est révélateur, des « travailleurs pauvres ».

C’est d’abord pour réagir contre cette évolution que nous avons choisi la diminution du temps de travail. Elle reste aujourd’hui pour nous une réponse privilégiée pour la création d’emplois, elle reste pour nous un formidable moyen de recréer les conditions d’un dialogue social constructif.

Entre 1985 et 1998, sur un million d’emplois crées, 900 000 étaient à temps partiel. Ainsi, au lieu d’une réduction collective et négociée, on assistait à une réduction individuelle et imposée.

Malgré toutes vos contorsions, vous avez été obligés de reconnaître que les 35 heures avaient permis la création d’au moins 350 000 emplois.

En comparaison, votre bilan est désastreux dès lors que la France a même perdu 40 000 emplois en solde net.

Cet échec, les Français l’ont lourdement sanctionné au cours de toutes les consultations électorales de l’année 2004. Vous n’en avez tenu aucun compte et au contraire le texte que vous nous proposez aujourd’hui est une fuite en avant. Manifestement, l’emploi n’est plus pour vous une priorité.

Si demain la croissance est au rendez-vous, les entreprises auront tout loisir de recourir aux heures supplémentaires plutôt que d’embaucher.

Il est quand même extraordinaire en 2005 de nous proposer une loi qui permet à l’employeur, à sa seule initiative, de décider d’alimenter le compte épargne temps. Autrement dit, en cas de variation de l’activité, l’employeur pourra décider d’affecter au compte épargne temps des heures effectuées par le salarié au lieu de le rémunérer immédiatement en heures supplémentaires.

Ce n’est plus « travailler plus pour gagner plus » mais « faire des heures pour du beurre ».

Votre texte révèle une vision singulière de la réalité des entreprises et du rôle du Parlement.

Il n’est pas acceptable que le président du Medef revendique officiellement la paternité de votre proposition de loi. C’est pourtant ce qu’il fait dans un entretien publié par le journal Les Echos du 18 janvier 2005.

« Les Français n’ont pas de doute. Selon un sondage que nous avons fait réaliser, 8% d’entre eux estiment que l’UMP en est à l’origine, 30% que c’est le gouvernement et 38% le Medef ».

Votre proposition ne correspond à aucune attente réelle des PME dont vous vous autoproclamez les porte-paroles.

Dans la dernière enquête de conjoncture, publiée en janvier 2005 par la banque de développement des PME, il est notamment écrit :

« Le manque de fermeté de la demande est de loin perçue comme le principal frein à l’investissement, cité par 69% des dirigeants en novembre 2004 ».

Or c’est bien votre politique économique et fiscale qui a pénalisé la consommation populaire en mobilisant les moyens de l’Etat dans les baisses d’impôt des plus favorisés, avec pour résultat d’alimenter davantage l’épargne que la consommation.

Puisque nous sommes réunis pour débattre des 35 heures, il n’est pas pensable que ni le gouvernement ni l’UMP ne s’expriment sur l’objectif affiché de M. Sarkozy, président de L’UMP, de remettre en cause les 35 heures dans la fonction publique. Ce débat a été porté par l’UMP sur la place publique, il serait étrange que le gouvernement et le parti majoritaire ne s’expriment pas sur cette question devant l’Assemblée nationale.

Les socialistes restent attachés aux 35 heures et nous les défendrons samedi prochain aux côtés des salariés, qui manifesteront partout en France contre votre proposition de loi.

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