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COLLOQUE POUR L’AVENIR DE LA FRANCE. Rapport introductif
Table-Ronde : « Comment faire face aux métamorphoses du travail en garantissant la sécurité salariale »

Le modèle social européen fondé sur l’état providence et l’émergence des classes moyennes et consuméristes n’a pas résisté à la crise survenue dans les années 70 : le choc pétrolier, la remise en cause du fordisme et l’accélération de la concurrence internationale ont déstabilisé les marchés des produits et du travail entraînant la chute de la croissance économique, une inflation galopante et un chômage de masse.

La valeur sociale du travail a été sévèrement fragilisée par les effets de la libéralisation financière des années 80 et la montée en puissance de la mondialisation. L’utilisation polyvalente de la main-d’œuvre, la destructuration du temps de travail et la multiplication des formes atypiques ont jeté le salariat dans l’incertitude. Le recours de plus en plus soutenu au travail à temps partiel, à l’intérim, ou encore au télé-travail, couplé à des pratiques gestionnaires désormais fondées sur les flux tendus, le juste à temps et le zéro grève, ont bouleversé les rapports sociaux.

Il est plus que jamais nécessaire d’appréhender les métamorphoses du travail tant elles remettent en cause l’avenir du salariat et donc de la cohésion sociale. Mais l’enjeu reste le même, il s’agit de préserver la valeur du travail au cœur du pacte social.

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Depuis les années 50, l’emploi en France a connu de grands bouleversements. De la fin de la guerre à 1975, il est marqué par le remplacement du non salariat, en particulier agricole, par l’emploi salarié en C.D.I. à temps plein. En 1954, les non salariés et les salariés en C.D.I. à temps plein représentaient respectivement 35% et 60% des actifs. Vingt ans plus tard, seulement 17% des actifs sont non salariés contre 72% des salariés en C.D.I. à temps plein. Aujourd’hui environ 9 actifs sur 10 sont salariés, soit 22 millions de personnes sur une population active occupée d’environ 24,5 millions de personnes.

16,5 millions de salariés travaillent dans le secteur privé et 5,2 millions dans le secteur public. Dans les deux cas, le C.D.I. reste la forme d’emploi majoritaire, soit respectivement 14,2 et 4,5 millions. Les C.D.D., au nombre de 1,1 million dans le privé, sont un peu plus de 500 000 dans le public. Les stagiaires et les contrats aidés s’élèvent à 300 000 dans le privé et à 250 000 dans le public. Le secteur privé compte également 480 000 intérimaires et 300 000 apprentis.

Le secteur public regroupe 2,2 millions d’agents de la Fonction Publique d’Etat, 450 000 employés de France Telecom et de La Poste, 1,5 millions d’agents de la Fonction Publique Territoriale et 850 000 agents de la Fonction Publique Hospitalière et près de 300 000 employés d’établissements inclus ou apparentés à la Fonction Publique d’Etat ( CNRS, CEA, ANPE, etc…).

Bien que le C.D.I. reste largement majoritaire, nous assistons depuis les années 80 et l’apparition du chômage de masse à une diversification des formes de l’emploi et à une tendance à l’éclatement du marché du travail.

Selon les derniers chiffres de la DARES, le taux de chômage en France était de 9,8% en juillet 2004 soit environ 2 700 000 chômeurs au sens du Bureau International du Travail. Entre le 4 ème trimestre 2002 et le 4 ème trimestre 2003, le chômage a augmenté de 0,8 %. Pour la première fois depuis 1993, la France a perdu des emplois (- 67 000).

Comme le souligne Raymond–Pierre BODIN de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail : « C’est une banalité de parler aujourd’hui du développement des formes d’emplois atypiques dans les économies occidentales. Quelque soit l’origine des recherches, on ne compte plus les travaux qui soulignent l’érosion de la norme d’emploi fordienne incarnée dans le contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein comme élément central, voire exclusif d’organisation des marchés du travail et d’insertion dans la vie sociale ».

L’emploi précaire représente aujourd’hui en France 16% de l’emploi salarié en comparaison de 35% pour l’Espagne, 24% pour le Portugal, 21% pour la Finlande, 14% pour la Suède et l’Autriche et 12% pour l’Allemagne.

Sur le plan sectoriel, l’agriculture et l’hôtellerie-restauration connaissent le taux d’emploi permanent le plus bas (environ 70%). Le secteur de la construction connaît la plus forte dégradation avec une diminution de 4% de la proportion d’emplois permanents. Environ 13% des emplois dans la construction française sont occupés par des personnes ayant moins d’un an d’ancienneté.

Le temps partiel se généralise en France comme dans le reste de l’Europe. La durée hebdomadaire du travail en Europe est passée de 38 heures en 1995 à 36,7 heures en 2000. Parallèlement le temps partiel a augmenté au point de devenir un instrument majeur des politiques de l’emploi dans certains pays, notamment aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne.

Il est important de souligner que le temps partiel fonctionne comme un mode de régulation sectoriel. En France, il est développé dans l’hôtellerie-restauration (32%), les autres services (28%) et le commerce de gros et de détail (21%) là où le personnel est le plus souvent peu qualifié. C’est en cela qu’on parle de temps partiel subi ou de sous-emploi dont les femmes sont les principales victimes.

Le temps partiel subi est une « galère » ; le temps partiel choisi est une liberté.

Il faut donc proposer des mesures qui excluent la confusion entre ces deux conceptions en affirmant que le temps choisi doit devenir un nouveau droit du salarié protégé par des accords collectifs.

Entre 1997 et 2001, la France a connu une forte dynamique en termes de créations d’emplois. Au cours de l’année 2000, près de 500 000 emplois ont été créés. Ce constat s’explique par un contexte de forte croissance, par une politique de l’emploi active en faveur des jeunes, des chômeurs de longue durée et des personnes peu qualifiées ainsi que par un allègement dégressif des cotisations sur les bas et les moyens salaires octroyées aux entreprises ayant négocié une réduction du temps de travail avec leurs salariés.

Pour reprendre la formulation d’André GORZ : « La réduction généralisée de la durée du travail correspond à un choix de société par ces deux objectifs inséparables : a) que tout le monde travaille de mois en moins afin que tout le monde puisse travailler et développer hors de son travail les potentialités personnelles qui ne trouvent pas à s’épanouir dans celui-ci. b) qu’une proportion beaucoup plus importante de la population puisse accéder à des tâches professionnelles qualifiées, complexes, créatrices, responsables permettant d’évoluer et de se renouveler continuellement ».

Les lois Aubry ont permis la création de 400 000 emplois. Ce chiffre n’est plus aujourd’hui sérieusement contesté. La réduction du temps de travail s’inscrit dans une permanence du combat des Socialistes pour une juste répartition de la richesse produite entre le capital et le travail. Certains pays contournent cette problématique en partageant le travail disponible entre les salariés d’où la généralisation du travail à temps partiel subi qui peut atteindre 20 % de la population salariée comme en Grande-Bretagne ou même près de 35 % aux Pays-Bas. Les statistiques de l’emploi deviennent alors flatteuses mais la réalité c’est l’apparition de millions de salariés pauvres.

La généralisation des 35 heures à l’ensemble des entreprises est un premier objectif car la différence de statut des salariés en fonction de l’effectif de l’entreprise ne pouvait être que transitoire.

Au-delà de cette harmonisation indispensable, les réflexions ouvertes sur d’autres formes de diminution de travail et d’organisation de la production mériteraient de nourrir le débat entre les partenaires sociaux et d’être soutenues par un Gouvernement de Gauche, s’agissant notamment de la semaine de quatre jours.

La question du coût du travail, notamment non qualifié, peut-elle trouver réponse dans une politique de réduction des cotisations patronales ou suppose-t-elle au préalable une modification de l’assiette de ces cotisations ?

Ce n’est pas seulement à l’évidence une question technique mais d’abord une question politique qui fait débat parmi les Socialistes et dans la Gauche.

Certains restent fondamentalement attachés à la notion de salaire indirect visant les cotisations patronales. Or, le financement de la protection sociale et plus encore des retraites peut-il résulter uniquement de cotisations assises sur les salaires. Manifestement cette structure de financement pénalise les entreprises de main-d’œuvre et constitue même une sorte d’incitation permanente à la destruction des emplois.

Ce débat devra être tranché par notre réflexion collective. Mais, compte tenu de notre capacité à produire de plus en plus de richesses avec de moins en moins de travail, le maintien d’un système financé sur la seule base salaire peut alimenter les démonstrations des opposants au maintien de nos régimes collectifs de protection sociale.

Pourrons-nous formuler des propositions sur le financement de la sécurité sociale et sur les retraites sans avoir au préalable changé le mode de financement pour tenir compte de l’évolution du capitalisme qui n’est manifestement plus celui des années 50 ?

Au moment où les délocalisations deviennent un sujet d’angoisse majeur pour les salariés du secteur privé, légitimé par des drames sociaux à répétition, la question du rapport du politique à l’économie ne pourra être esquivé. Les Socialistes ne peuvent se donner pour seul objectif de réparer les dégâts résultant de la logique du profit maximum. La loi de modernisation sociale avait esquissé des réponses qui mériteront d’être remises à l’ordre du jour. Mais au-delà des règles de protection des salariés ou de sanctions financières contre les entreprises, le problème du pouvoir des salariés dans l’entreprise doit être abordé dans la continuité des lois Auroux. La présence des salariés au travers de leurs représentants syndicaux dans les organes de direction, le renforcement du droit d’alerte et de l’accès à une expertise indépendante, un véritable droit d’opposition en matière d’hygiène et de sécurité, sont autant de pistes qui mériteront d’être approfondies.

L’objectif doit être d’apporter une réponse aux salariés victimes des aléas économiques propres à l’économie de marché.

Le concept de sécurité sociale professionnelle mérite une attention particulière dès lors qu’il sera nourri par des propositions concrètes. Sortir de la seule indemnisation du chômage pour garantir à chacun un parcours professionnel incluant par exemple des périodes de formation, de préparation à la mobilité, voire de congés sabbatique, est un objectif novateur qui doit être approfondi. Il suppose une reconnaissance de la responsabilité des entreprises et leur implication dans le financement de ce nouveau droit mais aussi une mobilisation différente des fonds aujourd’hui attribués à la formation professionnelle, aux politiques d’aide à la création d’emplois, à l’aménagement du territoire.

Proposer une réponse globale pour garantir à chacun ce parcours professionnel sécurisé doit prendre rang comme objectif majeur des Socialistes.

La question des moyens sera évidemment un préalable mais faut-il rappeler que le travail précaire (C.D.D. et intérim) coûte à l’UNEDIC 7 milliards de prestations pour 1,5 milliard de cotisations versées….

L’inertie du dialogue social est malheureusement une constante de la société française. Le MEDEF participe très largement à cette situation dès lors qu’il ne cesse d’agir pour l’individualisation du contrat de travail et qu’il s’illustre notamment par ses tentatives d’une référence préférentielle aux règles du code civil !

Nous devons au contraire réaffirmer notre attachement à la négociation collective et à la mise en œuvre d’une véritable démocratie sociale. L’existence d’accords minoritaires, la représentativité syndicale décidée par les pouvoirs publics écartent toute lisibilité au rôle respectif de la loi et du contrat.

Les principes d’une représentativité résultant du vote des salariés et celui de l’accord majoritaire à tous les niveaux devront être au cœur d’une loi sur la modernisation des rapports sociaux.

La mise en valeur et l’expression d’une citoyenneté sociale et du rôle des organisations syndicales peut ainsi devenir un vecteur de mobilisation autour du projet des Socialistes pour la France.

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L’emploi reste à juste titre la principale préoccupation des Français.

Les évolutions démographiques ne suffiront pas à apaiser leurs craintes. Le nombre d’actifs supplémentaires entrant sur le marché du travail restera d’ici 2007 supérieur aux départs en retraite de l’ordre de 75 000 par an pour décroître ensuite de 10 000 par an puis de 25 000 de 2010 à 2015.

Il faudra donc une véritable politique pour la création d’emplois.

La place du travail dans la société n’est pas seulement une question de politique économique. Elle est au contraire au cœur de l’organisation sociale. L’exclusion du travail est la première cause de l’exclusion sociale.

La valeur du travail ne peut pas être un concept abandonné à la droite qui le détourne pour justifier l’atomisation du code du travail et l’individualisation des rapports sociaux.

Au contraire, c’est parce qu’ils sont attachés à la valeur du travail que les Socialistes doivent formuler des exigences collectives qui redonneront au travail toute la place qu’il mérite au cœur de notre projet pour la France.

Alain VIDALIES

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