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La Contribution | ||
LES
INTERVENTIONS d'Alain VIDALIES
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Assemblée Nationale, 10 Mai 2005 Intervention d'Alain VIDALIES, député des Landes | ||
Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mes chers collègues, Le gouvernement nous propose un projet de loi relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes qui a la prétention de s’inscrire dans le vaste mouvement vers l’égalité professionnelle initié par les lois Roudy de 1983. Ce projet de loi surprend tant il est déconnecté de la dure réalité des femmes au travail dans la France de 2005. En vous écoutant Madame la Ministre, je ne peux que constater que votre bonne volonté n’a d’égal que votre mauvaise politique. Le gouvernement est comptable des résultats désastreux de sa politique économique et sociale, au premier rang desquels l’augmentation de 250 000 du nombre des demandeurs d’emploi et l’explosion de la précarité. Les femmes, et surtout les femmes seules, paient un lourd tribut à cette politique qui exprimait toute sa brutalité il y a seulement quelques semaines dans cet hémicycle, en encourageant l’augmentation des heures supplémentaires au détriment de l’embauche des demandeurs d’emploi ou de la lutte contre le temps partiel subi. Vous avez fait des choix politiques dont les femmes sont les premières victimes et vos bons mots d’aujourd’hui n’effaceront pas les plaies que vous avez ouvertes hier ! Comment traiter de la situation des femmes au travail sans parler du temps partiel subi ? C’est pourtant le choix fait par le gouvernement au moment où ce phénomène massif concerne 3, 250 millions de femmes sur 11 millions de femmes actives. Aujourd’hui, 30% des femmes et seulement 5% des hommes travaillent à temps partiel. Ce phénomène tend d’ailleurs à s’aggraver puisque les femmes représentaient 17% des actifs à temps partiel en 1980, 23% en 1990, et 32% en 1999. J’observe que la seule loi qui a freiné, ou du moins ralenti cette évolution a été la loi sur les 35 heures. L’étude comparée entre les entreprises passées aux 35 heures et celles restées à 39 heures est de ce point de vue très instructive. Bien sûr, il convient de distinguer le temps partiel choisi - qui est une liberté -, du temps partiel subi, qui est une galère. Or, aujourd’hui, 70% des femmes qui travaillent à temps partiel subissent cette situation. Quand parmi ces femmes, nous évoquons celles qui constituent des familles monoparentales, nous sommes confrontés à la dure réalité de l’émergence des travailleurs pauvres, qui est d’abord une réalité du travail des femmes. La situation de la France n’est d’ailleurs pas la plus catastrophique car, si le travail à temps partiel représente 17% de la population active dans notre pays, il peut atteindre 26% en Grande Bretagne et même 40% aux Pays Bas. Il n’existe aucun miracle dans ces pays qui affichent un taux de chômage très bas alors qu’ils ont tout simplement divisé le travail disponible entre les salariés. Je cite ces chiffres parce que l’absence de toute mesure sur le temps partiel subi dans votre projet de loi n’est vraisemblablement pas un oubli mais plutôt un révélateur de la tentation permanente de faire baisser les statistiques du chômage grâce au développement du travail à temps partiel. Je parle ici d’expérience car un gouvernement de gauche a lui-même cédé à cette tentation en 1992, par des exonérations de cotisations encourageant le temps partiel. Fort heureusement cette erreur a été depuis réparée par une autre majorité de gauche. Aujourd’hui votre gouvernement non seulement n’a strictement aucune mesure à proposer pour lutter contre le temps partiel mais au surplus, vous avez délibérément choisi d’atomiser le droit du travail en démantelant les protections collectives des accords de branche au profit des règles toujours moins contraignantes des accords d’entreprise. Jusqu’à la loi Fillon du 4/5/2004 relative au dialogue social, c’était uniquement aux accords de branche que revenait le rôle d’encadrer les dispositions relatives à l’organisation du temps partiel s’agissant notamment des dérogations aux délais de prévenance du salarié pour les modifications sur la durée du travail ou pour le nombre et la répartition des coupures. Or, en choisissant de permettre ces dérogations, par de simples accords d’entreprise, vous avez fait le choix de la concurrence par le moins-disant social au sein d’une même branche professionnelle. Je rappelle enfin que dans cette loi du 4 mai 2004, vous avez permis que toutes les dérogations réservées aux accords de branche soient désormais aussi ouvertes aux accords d’entreprise. Cette évolution considérable de notre droit social vide pour partie de toute portée réelle les dispositions de votre projet de loi conditionnant l’extension des accords de branche à l’existence de dispositions relatives à la suppression des écarts de salaires entre les hommes et les femmes. Comment ne pas souligner la contradiction entre le texte de mai 2004 et les dispositions de votre projet de loi ? Vous êtes aujourd’hui dans la situation d’un maçon qui, après avoir détruit les fondations, voudrait quand même élever les murs de la maison. Le résultat assuré sera celui d’un édifice fragilisé, voire illusoire. Au-delà de cette contradiction de fond, je m’interroge d’ailleurs sur les principes qui justifient le versement à l’entreprise d’une prime de 400 euros lors du départ d’une femme en congé de maternité. En effet l’employeur ne subit aucun manque à gagner pendant le congé maternité d’une salariée. Ne craignez-vous pas ainsi d’accréditer l’idée que l’emploi d’une femme est une charge pour l’entreprise au point de justifier le paiement d’une sorte d’indemnité compensatrice au moment de son départ en congé maternité ! Au nom du pragmatisme, vous entrez ainsi dans un terrain dangereux en contradiction avec vos principes. Concevez qu’avec cette mesure vous n’êtes plus très loin de la discrimination positive, certains diront au bénéfice, je préfère dire au détriment des femmes. Vous auriez pu profiter de ce texte pour organiser une avancée vers une représentation égalitaire des femmes dans l’entreprise. Or, ce choix de la marche vers la parité dans la démocratie sociale après la parité dans la démocratie politique, vous avez refusé de le faire. Il reste au total le sentiment étrange d’un texte dont le seul véritable but est sa propre existence. Fallait-il vraiment une loi supplémentaire pour un résultat aussi faible ? Vous nous parlez en permanence de dialogue social, de confiance aux partenaires sociaux. Or, en présentant ce texte vous tentez manifestement de récupérer le bénéfice politique de la négociation ayant abouti à l’accord professionnel du 1 er mars 2004. Les organisations syndicales manifestent d’ailleurs un certain désarroi face à votre initiative législative. Il subsiste aussi une interrogation majeure sur le rapport de votre texte avec la directive européenne du 23 Septembre 2002 qui est la grande absente de l’exposé des motifs mais aussi, ce qui est plus surprenant, du rapport de la commission. Pourtant, cette directive a été adoptée sur le fondement de l’article 141§ 3 du Traité d’Amsterdam, lequel est d’effet direct. Le dispositif de la directive est bien cité dans le rapport mais avec le seul commentaire que la disposition du projet de loi va incontestablement plus loin. Or, la démonstration reste à faire… En définitive, l’opportunité de ce projet de loi est contestable dès lors qu’il s’identifie surtout par ses carences et par son manque d’ambition. Mais il est vrai que, compte tenu du bilan social du gouvernement, c’était en réalité un objectif impossible à atteindre. | ||