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Alain VIDALIES dans la Presse
 
La Tribune du 14 novembre 2002: DÉMOCRATIE SOCIALE CONTRE RÉGRESSION SOCIALE
 

DÉMOCRATIE SOCIALE CONTRE RÉGRESSION SOCIALE

Beaucoup a déjà été dit sur le projet de loi Fillon remettant en cause les 35 heures : augmentation des heures supplémentaires, réduction de leur taux de rémunération, extension du nombre de salariés soumis au forfait-jours, monétarisation du temps libre acquis, mise en cause de la référence légale aux 35 heures hebdomadaires… La majorité aurait pu se contenter de cet arsenal déjà impressionnant. Mais la pression conjuguée de son aile la plus libérale et du MEDEF ont permis l’adoption de trois amendements qui, dépassant largement la seule question des 35 heures, affectent les fondements mêmes du droit du travail : assimilation du temps d’astreinte à du repos dès lors que le salarié n’a pas été amené à intervenir ; légalisation des accords de réduction du temps de travail conclus en violation de la loi ; incitation au recours au temps partiel par la réintroduction d’un abattement supplémentaire de cotisations que le précédent gouvernement avait abrogé.

Représentativité syndicale et négociation collective

La loi Fillon ainsi amendée aura des conséquences d’autant plus redoutables qu’elle s’inscrit dans un contexte juridique singulier, celui du droit de la représentativité syndicale et de la négociation collective. Le constat est désormais connu : le système français est à bout de souffle. Cinq syndicats bénéficient depuis un arrêté de 1966 d’une présomption de représentativité, qui leur permet mécaniquement de présenter des candidats à toutes les élections professionnelles, et de conclure des conventions et accords collectifs à tous les niveaux de négociation. Les autres sont obligés, le plus souvent en justice, de faire la preuve de leur représentativité. L’action collective des différentes organisations syndicales est donc totalement tributaire de leur mention, ou non, dans le fameux arrêté.

Tout aussi importante est la question des conditions de validité des conventions collectives. En l’état actuel du droit, un seul syndicat, même ultra-minoritaire, peut signer un accord opposable à tous les salariés. Ce système se justifiait tant que le principe de l’ordre public social garantissait une amélioration de la condition salariale par rapport à la loi. Avec le développement des accords dérogatoires, souvent défavorables aux salariés, il offre aux employeurs un redoutable outil de régression sociale.

Régression sociale

La loi Aubry II, en subordonnant les allègements de cotisations sociales à la conclusion d’accords majoritaires, offrait une base solide en vue d’une refonte des règles de la négociation collective. La majorité de droite a préféré opérer un remarquable bond en arrière.

Le projet de loi prévoit en effet de généraliser les allègements de cotisations sociales sur les bas salaires, en les déconnectant de tout accord de réduction du temps de travail. Ce texte permettra aux employeurs de revenir sur les accords de réduction du temps de travail tout en conservant le bénéfice des allègements de cotisations, et sans qu’il soit nécessaire de parvenir à un accord majoritaire. Que le gouvernement veuille abroger de fait les 35 heures est pour nous intolérable, mais c’était, hélas, largement prévisible ; qu’en revanche il permette à une minorité de défaire ce qu’une majorité avait patiemment élaboré, et ce, dans toutes les branches et toutes les entreprises du pays, c’est un mauvais coup porté à la démocratie sociale.

Certes, les syndicats majoritaires pourront exercer leur droit d’opposition. Mais cette procédure est quasiment impossible à mettre en œuvre, car elle nécessite l’action des syndicats ayant recueilli la majorité des inscrits, et non des votants, aux élections professionnelles. Le risque est donc grand que dans les branches et les entreprises où le rapport de forces n’est pas favorable aux organisations syndicales, les 35 heures soient remises en cause par des accords minoritaires.

Et la démocratie ?

Comment peut-on prétendre faire toute sa place au dialogue social quand on commence par bafouer à ce point la parole des partenaires sociaux ? L’avènement d’une démocratie sociale digne de ce nom implique une rénovation en profondeur des règles qui la gouvernent. La représentativité des organisations syndicales doit être fondée directement sur le vote des salariés, et calculée, soit sur la base d’un grand scrutin national, soit sur celle des résultats par branche aux élections professionnelles, soit probablement les deux. Le principe doit être fixé explicitement dans la loi que les conventions et les accords collectifs ne sont valides que s’ils ont été signés par des syndicats représentant la majorité des salariés au niveau auquel ils s’appliquent. Il en va de la démocratie dans la négociation collective. Il en va d’un dialogue social moderne et authentique. Il en va, enfin, du progrès social.

Alain VIDALIES, Député des Landes, Membre du Bureau national du Parti Socialiste.

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